21 janvier. A Bussoleno, coeur battant de la lutte No-Tav, me revoici à la maison. Comme déjà expliqué, ici comme en quelques autres ailleurs, je me sens chez moi. Je retrouve quelques piliers de la bande d'opposants au TGV (TAV en italien) Lyon-Turin, l'exemple parfait du Grand Projet inutile et imposé aux dépens de la biosphère, du génie des lieux et de leurs habitants, auquel s'oppose une lutte exemplaire qui dure depuis plus de vingt ans. Ce n'est pas un hasard si cette lutte est depuis longtemps, pour l'Italie et pour l'Europe, un point d'appui de toutes les résistances au cours néo-libéral et technicien d'un capitalisme toujours plus mortifère.

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Tout à gauche, Rita, l'ex-libraire et toujours animatrice de la librairie Città del Sole, où je suis venu présenter une réédition de la traduction en italien de mon Colchique dans les prés devenu La Breve Staggione en italien avec postface de Wu Ming 1, tout à droite Maurizio, le djinn de la vallée et au milieu, Rosario Galatiotto, le grand peintre qui a fait quatre heures et demie de route avec sa combattante de fille, à son côté gauche (eh oui)
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Bussoleno dans mon coeur
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A ma gauche, Annamaria Sarzotti qui fera de belles lectures et chantera "Colchiques dans les prés", enflant le flot de mélancolie qui me porte ici, autour de ce livre qui raconte les espérances disparues de la jeunesse révolutionnaire, mélancolie qu'accentue le souvenir des amis décédés dans l'année, le si chaleureux Silvano et Pierrino l'infatigable porte-parole de la lutte… La soirée était dédiée à Nicoletta Dosio…
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Infatigable bloqueuse de routes au service de la lutte No-Tav, elle est assignée à résidence avec autorisations de sortie quotidienne limitée: à peine arrivée chez elle, nous commençons à parler de Rosa Luxemburg et de son amour pour les animaux. Puis elle est en train de me raconter comment, durant son emprisonnement à Turin, en pleine pandémie, elle a réussi, elle végétarienne, à se nourrir malgré l'interdiction des visites, grâce à la solidarité des autres détenues qui la fournissaient en pamplemousses…
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…quand des policiers viennent lui apporter un papier l'avertissant qu'elle est l'objet d'une nouvelle enquête… il faut dire qu'elle est accusée de 150 "évasions"! Ce qui correspond à son refus de se soumettre à son assignation à résidence pour participer aux manifestations no-tav. L'acharnement des magistrats contre cette enseignante à la retraite dépasse en absurdité les capacités imaginaires du citoyen ordiniaire.
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22 janvier, me voici au Vag, centre social autogéré, pour une nouvelle présentation, en compagnie de Wu Ming 1 et Valerio Monteventi
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Le Vag abrite, outre une vaste salle de rencontre avec un convivial bar-restraurant en annexe (on recommande la focaccia fourrée) un très précieux centre de documentation sur les luttes depuis les années 70. C'est ici que j'avais retrouvé pour la dernière fois, il y a quelques années, mes si chers amis Valerio Evangelisti et Sante Notarnicola…
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Ces camarades se seraient réjouis comme moi au récit que me fait Valerio Monteventi du soulèvement de la jeunesse après le meurtre policier en septembre d'un jeune d'origine égyptienne, Ramy Elmgaml: aux manifestations des centres sociaux, à Rome, Turin et ailleurs, se sont adjoints, notamment à Bologne des jeunes "issus de l'émigration" de 13 à 15 ans, dont l'audace, la colère et la détermination a stupéfait les vieux militants…
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Comme toujours, c'est dans les toilettes que bouillonne l'esprit des lieux…
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Après l'étape romaine, me voici le 23 février dans un jardin enchanté au coeur de Naples, chez Patrizia et Sergio, qui louent des chambres (indications éventuelles en message privé)
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Dans les studios de la Rai3, "restés dans leur jus" comme diraient des agents immobiliers, on discute entre amis, radiotransmis ou non, de la gentrification de Naples et de Bologne et de l'Intelligence artificielle…
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Le 24 février, je retrouve Alberto Prunetti, le camarade écrivain auteur de Amiante (Agone) et de Epopée Lumpen (Lux) qui m'a organisé une rencontre. Le voici m'expliquant que nous sommes ici, à Sienne, à la limite entre deux contrade, deux quartiers rivaux lors du palio, la célébrissime course de chevaux où tous les coups et toutes les corruptions sont permis. Sur cette frontière, toute l'année, les deux quartiers ont l'habitude de venir se friter.
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La rencontre n'a pas lieu à l'emplacement du palio…
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…mais dans l'ancien hôpital psychiatrique, où, après m'avoir montré le pavillon de luxe qui était réservée aux femmes de la bourgeoisie qui osaient demander le divorce, et le panoptique des étroites cellules réservées aux agités, Alberto m'emmène…
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…dans la salle de rencontre de la Corte dei Miracoli, la Cour des Miracles, où sera présenté le bouquin à une assemblée où il n'y avait pas que des cheveux blancs…
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Le soir, on va dîner et dormir dans une commune de paysans communistes qui partagent potager, poulailler et tracteur et organisent des événements solidaires avec l'usine GKN en gréve et occupation autogestionnaire depuis quatre ans
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Comme toujours en Toscane, la chère est somptueuse. On évoque aussi le premier mai, la tradition des chorales qui vont de ferme en ferme se faire offrir à boire et à manger contre des chants de remerciement (ou de malédiction si l'on est mal accueilli)…
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Au petit-déjeuner, Domitila, agro-biologiste, nous montre comment elle fait le pain, c'est très très simple (dit-elle)
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Et en attendant le festival de littérature Working Class qui se tiendra à l'usine GKN, on évoque le mur de Bhopal, en Inde, qui était présenté sur celui de la Cour des Miracles, un mur censé empêcher l'entrée sur le lieu archipollué et très dangereux de l'immense catastrophe qu'on sait, et qui est en réalité un haut lieu de circulationn des pauvres… Contre les forces du mal qui viennent de prendre les manettes de l'Empire, l'internationalisme à et par la base est notre seul espoir d'émancipation
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